Le collectif BAMP (Association de patients de l’AMP et de personnes infertiles) met en ligne ce jour sur son site Web (https://bamp.fr/) un commentaire critique de l’avant-projet de loi de bioéthique en y ajoutant quelques propositions. Ce point de vue de patients très concernés par le sujet nous semble avoir tout à fait sa place ici, quand bien même nous soyons en désaccord sur certains des points qui y sont développés.

Nous, patients de l’Assistance Médicale à la Procréation et parents d’enfants nés via des dons de gamètes, saluons les avancées importantes du projet de loi de bioéthique : levée de l’anonymat pour les adultes nés via un don qui le souhaitent, accès à l’AMP pour toutes les femmes, autorisation de l’autoconservation. Nous nous réjouissons que les droits actuels des couples ayant recours au don de gamètes ne soient pas remis en question.

Nous sommes et restons vigilantes pour que les grands slogans annoncés avec force, soient cohérents avec le contenu effectif de cette loi. Nous ne souhaitons pas revivre les incohérences et les blocages hérités de la précédente révision. Car certains aspects de la loi ont été pensés non pas POUR les personnes directement concernées, mais pour éviter de froisser les opposants à certains de nos droits. Ce qui de notre point de vue, semble se reproduire aujourd’hui.

Nous espérons vivement une loi de bioéthique ambitieuse et moderne, permettant d’instituer :

  • L’égalité inconditionnelle entre toutes les familles et leurs enfants, ainsi qu’entre toutes les femmes. Ce droit doit être effectif, sans stigmatisation ni discrimination qui seraient liées au mode de conception, à la santé reproductive ou à l’orientation sexuelle.
  • Une nouvelle approche de la question du don de gamètes, avec de nouveaux moyens mis en oeuvre pour les familles, tant dans l’information que l’accompagnement en amont, pendant le parcours et après la naissance.
  • Une AMP (intraconjugale, avec don et autoconservation) de qualité, avec des moyens à la hauteur des besoins, pratiquée dans des délais raisonnables, pour tous et toutes, sur tout le territoire. En référence aux définitions de la santé et  et de la santé reproductive de l’OMS, de l’ONU et de la convention d’Ovideo.
  • La préservation de la fertilité des générations futures : sujet de santé publique ! Nous souhaitons la  mise en place de campagnes nationales d’information, de sensibilisation et de prévention sur la fertilité, l’infertilité et la santé environnementale. En effet, la dégradation de notre environnement joue un rôle sur la fertilité humaine, cet aspect présent dans les débats des Etats Généraux de la bioéthique, ne se retrouve pas dans cette loi.

Les points qui nous donnent satisfaction, car en cohérence avec la société et les besoins des patients, mais aussi avec les 4 grands principes de la bioéthique

  • Ouverture et remboursement de l’AMP aux femmes seules ou en couple lesbien : justice, autonomie, bienfaisance, non malfaisance. C’est un grand progrès !
  • Conditionner le don de gamètes à l’accord des donneurs et des donneuses sur la levée de l’anonymat aux 18 ans des enfants issus de leur don. Enfants devenus adultes qui auront la possibilité s’ils le souhaitent d’accéder aux informations sur leur donneur, étant entendu que nos enfants sont élevés, pour leur bien-être, dans le dialogue et la connaissance de leur mode de conception.
  • Maintien des droits actuels pour les couples hétérosexuels ayant recours aux dons de gamètes en France. Situation juridique qui fonctionne très bien depuis 1994 pour permettre l’accès aux gamètes et sécuriser la filiation.
  • Autoriser l’autoconservation des ovocytes. Mesure qui permet l’autonomie des femmes et rétablit une justice entre les hommes et les femmes sur ce sujet MAIS il ne faut pas imposer de limite d’âge par décret. Les médecins doivent garder la capacité d’évaluer médicalement les besoins de préservation avec leurs patientes à tous les âges.Ouvrir d’un côté en fermant de l’autre n’a pas de sens.
  • Autoriser l’AMP post-mortem, qui pourra permettre, à une femme, avec le consentement de son conjoint, d’utiliser leurs embryons même en cas de décès.
  • Fin de la demande de consentement du conjoint du donneur ou de la donneuse lorsqu’ils s’engagent dans une démarche de don de gamètes. C’est une avancée concrète, qui conforte l’autonomie des personnes.
  • Autorisation du double don de gamètes, qui va répondre aux besoins des couples et des femmes seules, stériles, qui devaient jusqu’à présent se rendre à l’étranger.
  • Et enfin, même si la ministre n’a pas parlé d’une ambitieuse politique de prévention au sujet de la fertilité et de l’infertilité ce qui nous paraît INDISPENSABLE, elle a indiqué dans la conférence de presse du 24 juillet, la volonté de “mieux informer les femmes sur la baisse de la fertilité et sur les lourdeurs des techniques d’amp”.

N’oublions pas les hommes dans ces campagnes d’information et de sensibilisation. L’information des jeunes générations, sur la santé environnementale, son impact sur la santé et la reproduction humaine nous semble essentielle.

Les points qui ne sont pas résolus et qui restent en l’état très problématiques pour nous  

  • DISCRIMINATION en fonction de l’ORIENTATION SEXUELLE : Nous dénonçons le maintien d’une discrimination pour les lesbiennes et leurs enfants avec le projet d’établissement d’une filiation spécifique. Appliquons réellement en France les principes fondamentaux internationaux des droits de l’homme, pour mettre fin aux discriminations de toutes sortes.
  • Proposition 1 : L’égalité réelle passe par l’abrogation de l’article 6-1 du code civil et l’application de l’article 311-20 pour le recours au don de gamètes, qui sécurise la filiation de l’enfant et permet l’inscription des deux parents à l’état civil de leurs enfants sans mention sur l’acte de naissance.
  • Proposition 2 : Egalité réelle aussi dans l’accès aux soins d’AMP, sans hiérarchisation des dossiers des demandeurs.
  • DESTRUCTION DES GAMETES ET EMBRYONS : l’article 3 de la loi, prévoit la destruction des gamètes et embryons donnés au don sous le régime de l’anonymat définitif. C’est une mesure qui est pour nous, totalement irresponsable. La ministre de la santé à indiqué lors de la conférence de presse que les donneurs et donneuses ayant donnés sous le régime de l’anonymat, pourraient se manifester “à leur initiative” pour indiquer qu’ils souhaitent maintenir leur don sous le nouveau régime de levée de l’anonymat aux 18 ans de l’enfant. C’est une bonne chose.
  • Proposition 3 : Il faut en plus une mesure systématique de relance de tous les donneurs et donneuses, organisée par les CECOS (ou une autre instance dédiée) ainsi qu’une campagne nationale d’information spécifique. Car il n’est pas envisageable pour nous qu’il soit mis fin à la conservation des embryons et des gamètes sans avoir en amont organisé officiellement et de façon responsable, le recueil du consentement des donneurs et donneuses.
  • Proposition 4 : extension des dispositions transitoires pour le recueil du consentement et éviter la destruction systématique.
  1. INFORMATION et ACCOMPAGNEMENT des parents d’enfants nés via un don de gamètes. Rien dans la loi n’est envisagé pour renforcer l’information et la sensibilisation des personnes qui souhaitent s’engager dans une parentalité avec don de gamètes. Les protocoles d’accès aux gamètes via les CECOS et les centres d’AMP, rendent souvent compliquée la construction psychique des parents. Les couples sont focalisés sur l’accès aux gamètes mais ne sont pas accompagnés dans les questionnements que pose le recours au don. Cet accompagnement nous semble indispensable. En encourageant le dialogue entre les parents et les enfants issus du don, il serait bénéfique à tous.
  • Proposition 5 : Nos souhaitons que soit ajouté dans les articles : sur « la mise en œuvre de l’AMP qui doit être précédé d’entretiens avec l’équipe pluridisplinaire et permettant la transmission d’un dossier guide” au couple ou à la femme seule : inclure « Les dispositions réglementaires et législatives concernant le don de gamètes ainsi qu’un descriptif des techniques et les règles relatives AU DON DE GAMETES, avec les adresses des associations et organismes permettant de compléter l’information des demandeurs à ce sujet
  • Proposition 6 : Mise en place d’une plateforme d’informationindépendante et spécifique, pour les parents, les enfants devenus adultes et les personnes ayant donnés leurs gamètes. La proposition de l’association Origines nous semble très pertinente.
  • CRITERE PATHOLOGIQUE : Nous déplorons le retrait du critère de pathologie dans la définition des situations permettant de recourir à l’AMP. Les hétéros comme les homos peuvent souffrir de pathologies qui affectent directement leur fertilité (par exemple : insuffisance ovarienne précoce, endométriose, sopk, troubles hormonaux, problèmes tubaires, etc.).  Le risque inhérent à ce retrait : un déremboursement de la prise en charge à 100% de l’AMP ? L’assistance médicale à la procréation (AMP) doit être tenue à l’écart de dérives marchandes et doit rester ouverte à tous, quels que soient les niveaux de revenus.
  • Proposition 7 : L’infertilité médicale, doit pouvoir cohabiter avec l’infertilité sociale, les deux pouvant d’ailleurs se croiser, car la santé reproductive, l’autonomie et l’égalité dans l’accès aux soins ne doivent pas se faire en référence à l’orientation sexuelle ou la situation matrimoniale.
  • EVALUATION PSYCHOLOGIQUE : Ouvrir les indications du recours à l’AMP, en suprimant le critère pathologique, pour d’un autre côté introduire de nouveaux critères restrictifs, n’a pas de sens. Nous nous inquiétons de voir introduit une notion d’évaluation psychologique, dans l’article L2141-2 du code de la santé publique, article qui donne une nouvelle définition des conditions pour accéder à l’amp. Nous sommes contre cette disposition qui introduit une évaluation, donc un possible refus à la parentalité, via un refus de prise en charge en AMP.
  • Proposition 8 : Laissons les médecins faire leur travail en concertation avec leurs patients. Retirons de l’article 1er “après une évaluation médicale et psychologique”.
  • REPARTITION DE L’ACTIVITE entre privé et public : la prise en charge du don de gamètes, de l’autoconservation doit pouvoir se faire, AUSSI par les centres privés comme les centres publics, qui reçoivent d’ailleurs, les mêmes autorisations d’activité.
  • Proposition 9 : Pour faire face à la demande actuelle et à venir suite à l’ouverture de l’amp, ainsi que pour permettre de mieux répartir l’offre de soin sur le territoire et éviter les ruptures de soins, il est nécessaire d’autoriser l’activité d’AMP avec don de gamètes et l’autoconservation aux centres privés.
  • BESOIN DE MOYENS pour les centres d’AMP, les CECOS : L’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux lesbiennes va entraîner une augmentation de la durée de prise en charge et de la demande de gamètes.  RIEN n’est prévu pour y faire face, notamment dans les CECOS où les délais d’attente sont déjà très longs (18 mois actuellement pour bénéficier d’un don de spermatozoides en moyenne).
  • Proposition 10 :  Il faut plus de moyens humains, matériels et financiers pour une prise en charge de qualité en France pour tous et toutes.
    • Proposition 11 : élargir les autorisations de la pratique du don et de l’autoconservation aux centres privés.
    • Proposition 12 : dédier des financements spécifiques, au moins sur la période transitoire d’augmentation et de modification de l’activité, pour assurer la qualité de la prise en charge.
  • NE PAS IMPOSER PAR DECRET des limites d’âge : cette disposition entrainerait un nouveau bloquage pour les femmes concernées, toutes techniques confondues.
  • Proposition 13 : il faut que les médecins puissent continuer à évaluer, en fonction du dossier médical de leur patiente, le bénéfice-risque des techniques. Maintien dans la loi de la notion “en âge de procréer”.
    • Proposition 14 : En cas de recours au don de gamètes, l’âge de la mère pourrait, sur avis médical, aller au-delà de 43 ans actuellement autorisés.
  1. AMELIORATION DES DIAGNOSTICS et des thérapeutiques : Nous demandons la possibilité de mettre tout en œuvre pour améliorer l’étape du diagnostic de l’infertilité.  Et aussi la possibilité d’améliorer les thérapies innovantes, notamment les diagnostics pré-implantatoires ou le « screening » des embryons, et d’autres procédés innovants. Puis de les inscrire rapidement dans la liste des « procédés biologiques utilisés en AMP ». Ces techniques permettent d’épargner beaucoup de souffrance inutile aux personnes infertiles en évitant le transfert d’embryons non viables. Cette mesure créerait en outre une économie substantielle en améliorant les taux de succès des fiv et en permettant à des patients de terminer plus rapidement leurs parcours d’Amp: en effet, certains durent plusieurs années et comptent parfois 10 tentatives vaines mais toutes remboursées.
  • Proposition 15 : Autoriser le diagnostic des embryons aneuploïdes (non-viables) avant transfert en protocole de FIV.
    • Proposition 16 : Développer, via le financement de la recherche l’utilisation des techniques non invasives de diagnostic pré-implantatoire, qui permettraient aussi d’améliorer les diagnotics et donc les prises en charge des patients.
    • Proposition 17 : actualiser la liste des procédés biologiques utilisés en AMP, plus régulièrement aux vues des validations des innovations reconnues comme efficaces.
  •  PRENDRE CONSCIENCE de l’importance de la santé environnementale et de son impact sur la dégradation sur la fertilité humaine. L’objectif étant de traiter en amont la santé reproductive, pour moins d’amp et plus de santé reproductive.
    • Proposition 18 : Mettre la santé environnementale au coeur des priorités dans les politiques publiques.
    • Proposition 19 : Instituer des politiques d’information et de sensibilisation au sujet de la santé environnementale et de son impact sur la fertilité des jeunes générations.

Nous allons défendre tous ces points, lors des rendez-vous politiques que nous allons avoir dès la fin du mois d’août. D’ores et déjà, nous avons déjà plusieurs rdv à l’assemblée nationale avec des députés, soit avec le collectif PMA, soit pour BAMP. N’oubliez pas, vous aussi vous pouvez allez rencontrer vos députés et vos sénateurs. Si vous avez des questions, prenez contact avec Virginie : collectif@bamp.fr